Antécédent de cancer ovarien, ascite et Ca 125 élevé : une histoire trop simple - 02/12/14
Résumé |
Introduction |
L’ascite est un mode de révélation de nombreuses pathologies d’origine métabolique, infectieuse ou cancéreuse. Le contexte permet généralement d’orienter la démarche étiologique mais est parfois trompeur.
Observation |
Une patiente de 76ans consulte pour douleur abdominale, œdèmes et prise de 7kg en 2semaines. Elle a pour antécédent une annexectomie bilatérale sous cœlioscopie en 2005 pour un kyste ovarien droit, complétée secondairement par une hystérectomie totale élargie (2nd look) car l’histologie révélait un cystadénome séreux borderline ovarien droit avec marges saines. L’examen révèle une ascite dont la ponction retrouve un liquide citrin, exsudatif (protéines 31g/L soit>25g/L, gradient albumine sérique−albumine ascite=4,2g/L soit<11g/L) avec 2400 leucocytes (dont 57 % de lymphocytes, 31 % de monocytes et 1 % de neutrophiles) et 3000hématies/mm3. Les cultures sont stériles ; l’analyse cytopathologique n’est pas réalisée. Le bilan étiologique comporte le dosage de Ca 125 élevé à 1146U/L (N<35U/L) alors qu’il était normal auparavant ; le Ca 15,3 est normal. Le scanner révèle l’ascite associée à de multiples nodules prédominant sous la paroi abdominale antérieure ; la rate est de volume normal, il n’y a pas d’adénopathies rétropéritonéales. La patiente est adressée à son gynécologue pour suspicion de rechute de carcinome ovarien sous forme d’une carcinose péritonéale. La biopsie écho-guidée d’un nodule péritonéal révèle des cellules de grandes tailles d’aspect lymphoïde, CD20+, BCL2+ avec un index de prolifération à 85 %, en faveur d’un lymphome B diffus à grandes cellules.
Discussion |
Le carbohydrate antigen 125 (Ca 125) est une glycoprotéine de la famille des mucines. Les mucines sont présentes à la surface des cellules épithéliales de l’appareil digestif, urogénital et respiratoire et exercent de multiples rôles : hydratation de l’épithélium, protection des cellules épithéliales contre les infections, mais aussi renouvellement et maturation des cellules épithéliales, et modulation de la signalisation cellulaire. Le Ca 125 est surexprimé au cours des cancers ovariens épithéliaux et, bien que peu spécifique, son dosage est recommandé dans le bilan initial d’une masse ovarienne. L’élévation importante du Ca 125 dans notre cas peut s’expliquer par sa faible spécificité : la simple présence de l’ascite et donc d’une inflammation pelvienne suffit à son élévation. Les caractéristiques scannographiques communes à la lymphomatose et à la carcinose péritonéale sont le « gâteau épiploïque » et les nodules péritonéaux et mésentériques, avec ou sans ascite. Les arguments d’imagerie pour évoquer une lymphomatose plutôt qu’une carcinose sont : la présence d’adénopathies rétropéritonéales ou d’une masse enserrant en « sandwich » les gros vaisseaux abdominaux, une splénomégalie, une masse associée de l’intestin grêle voire du côlon. Cependant ces éléments sont largement inconstants : Karaosmanoglu et al. ne les retrouvent que chez 25 % de 12 patients avec lymphomatose péritonéale. Dans notre cas ces signes étaient tous absents et le diagnostic n’a été redressé que par l’histologie d’un nodule. L’ascite est un mode de révélation rare des lymphomes : 0,8 % des ascites et 9 % des ascites malignes sont d’origine lymphomateuse. Dans les lymphomes B diffus à grandes cellules, l’élévation du Ca 125, notamment si l’on retient pour les femmes ménopausées et les hommes une valeur ajustée à 20U/L et non la valeur habituelle de 35U/L, est associée à un taux de réponse complète plus faible, un taux de rechute plus élevé et une survie moindre, indépendamment de l’« age-adjusted International Prognosis Index ». Le Ca 125, secrété par les cellules mésothéliales des séreuses et non par les cellules lymphomateuses, reflèterait le degré d’infiltration du lymphome.
Conclusion |
La preuve histologique demeure indispensable quel que soit le contexte pour affirmer une rechute de cancer ovarien et écarter les diagnostics différentiels.
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Vol 35 - N° S2
P. A196 - décembre 2014 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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